LE MAUVAIS CHOIX !
Cette année encore, décidément et cela devient une habitude, le jury du Festival de Cannes nous a pris à contre-pied en accordant sa récompense suprême au film de la française Justine Triet « Anatomie d’une chute ». Décidément, cela devient une habitude. Thibaut Demeyer. Vidéo : Brigitte Lepage.
Hyper favori depuis le début de la compétition, « The Zone of Interest » du réalisateur anglais Jonathan Glazer a dû se contenter du Grand Prix. Bon joueur, lorsqu’un journaliste lui a demandé s’il n’était pas trop déçu de ne pas avoir eu la Palme d’or, ce dernier lui a répondu avec le sourire « Votre question est cruelle » ajoutant « je suis quand même content d’avoir obtenu ce prix car grâce à lui et à Cannes, on va parler du film, il va être vu un peu partout ». Bien entendu, lors de la rencontre avec le jury, il a été demandé au président Ruben Östlund pourquoi le jury avait préféré le film de Justine Triet en lieu et place de celui de Jonathan Glazer. Les réponses étaient plutôt du genre évasives, telles que « c’est une question de ressenti » ; « pas facile car tous les films étaient d’un haut niveau » ; « on ne va pas vous révéler le contenu de nos débats et encore moins la façon dont nous avons procédé. »
PALME FEMINISTE ?
Certes, le film de Justine Triet « Anatomie d’un meurtre », racontant l’histoire du procès d’une mère d’un enfant malvoyant accusée du meurtre de son mari, est captivant et intéressant humainement parlant. Mais pas suffisamment consistant que pour mériter une Palme d’or. Un prix du scénario ou d‘interprétation féminine pour l’actrice allemande Sandra Hüller aurait été plus judicieux.
Lors de la conférence de presse, la réalisatrice française, troisième femme à obtenir la Palme d’or dans l’histoire du Festival de Cannes (Jane Campion ex-aequo en 1993 avec « La Leçon de Piano », Julia Ducourneau en 2021 avec « Titane »), a déclaré « C’est le début d’un tournant profond dans le regard que le monde du cinéma porte sur les femmes, commente la lauréate. Je suis très contente de contribuer à cette évolution, les choses changent et c’est très bien ainsi ». Dès lors, nous sommes en droit de nous demander si la Palme d’or n’est pas plus une Palme à connotation féministe plutôt qu’une Palme aux pures qualités cinématographiques ? Quoi qu’il en soit, ce sera Justine Triet qui entrera dans l’histoire.
ENTRE SURPRISE ET CONFIRMATION
Les problèmes de billetterie, d’horaires qui se télescopent, d’articles à écrire, de rendez-vous pour des interviews, tout cela nous oblige parfois à rater l’un ou l’autre film de la sélection officielle. Nous en avons fait les frais en passant à côté du film d’Aki Kaurismaki « Les feuilles mortes », un prix du jury quelque peu houspillé par la presse ainsi que « Les herbes sèches » de Nuri Bilge Ceylan permettant à l’actrice Merve Dizdar de décrocher le prix d’interprétation féminine. Dès lors, nous nous abstiendrons de faire des commentaires sur ces deux prix.
En revanche, nous félicitons le jury d’avoir accordé le prix d’interprétation masculine à l’acteur japonais Koji Yakusho pour son admirable interprétation dans le film de Wim Wenders, ému aux larmes, « Perfect Days ». Un prix amplement mérité même si Jude Law, dans le rôle d’Henri VIII, partait favori.
Alors que nous avions pronostiqué « Monster » de Kore-Eda Hirokazu prix du jury, c’est en réalité son scénariste Yuji Sakamoto qui repart avec le prix du scénario. Ce qui n’a pas empêché Hirokazu Kore-Eda d’être très heureux pour son compatriote.
Le prix de la mise en scène a été attribué au réalisateur français d’origine vietnamienne Tran Anh Hung pour son film « La passion de Dodin Bouffant ». Un film qui a eu plus de détracteurs que d’admirateurs. Toutefois, il faut bien avouer qu’avec le recul et la comparaison avec les autres films de la compétition, le prix de la mise en scène n’est pas un prix usurpé.
Mais la grande perdante de la soirée, c’est l’actrice allemande Sandra Hüller, que tout le monde voyait déjà lauréate du prix d’interprétation et qui doit se contenter d’être à l’affiche d’un film lauréat de la Palme d’or et d’un lauréat du Grand Prix (« The Zone of Interest »). Maigre récompense malgré tout !
(c) Galerie photos : Thibaut Demeyer
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