L’EMOTION AU RENDEZ-VOUS
Dernier film de la compétition, « Jeunes mères » de Luc et Jean-Pierre Dardenne a fait sensation à un tel point qu’ils se retrouvent dans la « short list des films palmables » de cette 78é édition du Festival de Cannes. A Cannes, Thibaut Demeyer et Brigitte Lepage.
Rien n’est fait ! Seul le jury officiel, présidé par Juliette Binoche, mettra fin aux pronostics et suspens de qui remportera la Palme d’or 2025. Des titres reviennent régulièrement tels que « Sirât » d’Oliver Laxe ; « L’agent Secret » de Kleber Mendonça Filho ; « Nouvelle vague » de Richard Linklater ; « Deux Procureurs » de Sergei Loznita ; « Dossier 137 » de Dominik Moll et « Un simple accident » de Jafar Panahi, qui vient d’obtenir le prix de la citoyenneté remis par le président du jury Lucas Belvaux. C’est dire à quel point la concurrence sera rude cette année pour les frères Dardenne.
« Jeunes mères » est le dixième film en compétition de Luc et Jean-Pierre. Un record, et pas le seul, car ils sont les plus primés de Cannes avec presqu’autant de prix que de participations. C’est évident, la Belgique peut être fière de les avoir dans son paysage cinématographique.
« Jeunes mères » brosse le portrait de cinq jeunes filles devenues mères trop jeunes et donc placées dans un centre afin de leur expliquer comment s’occuper de leur bébé. Elles peuvent y rester pendant maximum 18 mois pour y apprendre l’indépendance et tous les gestes à avoir avec leur bébé, si toutefois elles le gardent.
Si, une fois, encore les frères Dardenne ont placé leur caméra à Liège, dénonçant la précarité et les malheurs sociaux : « On ne sait faire que cela » avait un jour déclaré Luc Dardenne, ils ont pourtant traité le sujet sous un angle moins noir que d’habitude. Il y a de l’espoir dans leur nouveau film, de l’empathie pour les jeunes filles. De plus, et c’est loin d’être négligeable, ils ont enfin pris le temps de poser leur caméra, d’éviter le format carré, de filmer au plus près des personnages carcomme le précise Jean-Pierre : « il était important d’y imposer le calme, la douceur nécessaire au sujet abordé et c’est ce que la caméra propose lors des prises de vue. » On respire dans « Jeunes mères », on vit avec elles, on est constamment touché par ce qui leur arrive sans pour autant en faire de trop. Sans effets de manche, avec une mise en scène brute de décoffrage et hyper maîtrisée, les frères Dardenne ont ému toute la Croisette. Et si la question peut se poser, à savoir pourquoi une œuvre de fiction et non un documentaire, la réponse de Jean-Pierre Dardenne est sans appel : « La fiction est la possibilité de donner des réalités que le documentaire ne donne pas. La fiction nous permet de nous intéresser aux individus, qu’ils ne sont pas des cas, mais des êtres humains uniques. » Dès lors, la question est posée : seront-ils les premiers à obtenir une 3e Palme d’or ? Difficile à imaginer, notamment dû au jeu des actrices qui est souvent inégal, surtout face aux acteurs professionnels. N’est pas Emilie Dequenne qui veut ! Néanmoins, retrouver ce soir « Jeunes mères » au Palmarès n’est pas impossible et pour l’anecdote, avoir choisi de passer en toute fin de compétition n’est pas un hasard. En effet, en 1999, « Rosetta » avait été le dernier film à avoir été présenté. Quelques heures plus tard, « Rosetta » obtenait la Palme d’or et Emilie Dequenne le prix d’interprétation. C’est la façon qu’ont choisi les frères Dardenne de rendre hommage à cette actrice disparue bien trop tôt.
(c) photo d’accroche : Brigitte Lepage
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