Grand Corps Malade, Gaël Faye et Ben Mazué sortent un nouvel album – “Éphémère”
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Grand Corps Malade, Ben Mazué et Gaël Faye décident de miser sur l’éphémère afin de produire un objet musical né du désir de croiser leurs rimes et leurs émois.
Chacun des trois frères de cœur a eu la superbe intuition de prendre le temps, pour mieux le laisser aux deux autres.
«On a pris le temps», en ouverture de cet essai discographique, raconte avec mélancolie ce désir de maîtriser la course des horloges pour toujours souffler sur les braises de l’inspiration.
On y comprend que pour ces trois garçons, le paradis ressemble à une feuille blanche. Cette promesse d’une pause, d’un répit, se révèle aussi pour chacun, un rendez-vous avec lui-même.
Dans le cadre idyllique et propice du studio d’enregistrement de La Fabrique à Saint-Rémy-de-Provence, le trio parie donc pour un allongement des secondes. Avec à leurs côtés, les lumières de deux hommes de l’ombre, Mosimann et Guillaume Poncelet, à la composition et à la réalisation. Ce moment d’introspection collective imposée mais naturelle, ressemble alors à un inventaire, un état des lieux, un état des mieux et des moins bien, à mi-parcours d’une trajectoire artistique enfin balayée par les vents de la reconnaissance et du succès public.
Et de se révéler communément traversé par ce même désir vibrant de liberté, de ne répondre à aucun courant saisonnier, d’être chacun à sa façon un contre-exemple parfait de la recette du succès, et donc de vouloir toujours «Tailler la route», titre du deuxième titre de cet album. Derrière ce voyage plumitif, peut-être aussi faut-il lire le récit de trois hommes qui ont franchi un cap, sans s’enfermer pour autant dans une quarantaine.
C’est aussi le sens de cette bouleversante chanson «Sous mes paupières», troublante injonction au retour en enfance, celui du paradis perdu. Celui aussi des commencements. C’est aussi le territoire de tous les possibles. La nostalgie et la mélancolie ne peuvent se transcender que lorsqu’on est soi-même heureux de vivre en souriant, et en prenant la vie du côté des éclats de comédie. Ces trois artistes ont aussi en commun l’art de rire. Ils en font ici un exercice de style, une évasion musicale forme de diptyque. Un rêve qui tourne au cauchemar un soir de Victoires de la Musique et d’insomnie générale. Tous nommés dans la catégorie “Album de l’année” au côté de Benjamin Biolay, ils repartent bredouille, mais subtilisent sur un coup de tête, le trophée au vainqueur. Un peu déçus. Forcément. C’est humain.
Et Peut-être aussi que cela raconte en creux et sans démagogie, leurs parcours respectifs, où les ventes de disques, les salles pleines, les clics en streams et les preuves d’amour du public se sont majoritairement cristallisés sans avoir eu besoin d’obtenir le tampon de la légitimité des critiques de centre-ville, qui vous offre la carte pour être «in» en toutes circonstances. Alors il vaut mieux en rire. Mais soudain, après le vol anecdotique du trophée, le public se demande «Qui a kidnappé Benjamin Biolay?».
On peut donc voler une Victoire mais aussi avoir envie de la rendre. Puis d’exiger une rançon singulière, pas celle de la gloire, mais bien celle d’une admiration collective pour la beauté d’une superbe chanson. Et puis comme dans tous les rêves, se montrer moins exemplaire que dans la vie…ça arrive aussi. «La cause» est finalement une montagne de questions qui percutent l’éternelle interrogation posée par l’auteur révolutionnaire de la chanson populaire Etienne Roda Gil: «A quoi sert une chanson si elle est désarmée?». Aux rêves citoyens, nos chanteurs sont-ils légitimes pour l’ouvrir? Bien sûr puisque la rime est poétique et donc… politique. Lorsque les trois talents se retrouvent dans un moment suspendu imposé, ils n’ont «Besoin de rien» pour s’amuser, chanter et créer.
Bien leur en a pris… de vouloir prendre le bus. A l’abri des regards, une mélodie apparaît, enrichie par des pensées et des envolées improvisées. Avec un programme commun de gouvernement poétique l’obligation d’observer et d’appliquer les vertus des promesses de l’«Ephémère». Car oui, cette obsession de la durée, nous fait souvent manquer tant d’instants fugaces. Des paradis humbles et éphémères qui narguent nos désirs tenaces et parfois légitimes d’éternité et de postérité. Il faut toujours se souvenir pourtant de ce qu’écrivit Umberto Ecco: «Qu’est-ce que la vie, sinon l’ombre d’un rêve éphémère?».
Nos trois artistes, auteurs en quête de sagesse vivent dans un monde ô combien intranquille. En voulant revenir à l’essentiel, ils nous ramènent sur la plage de notre idéal, avec la beauté de la poésie comme seule arme blanche.
Grand Corps Malade, Gaël Faye, Ben Mazué > Album – “Éphémère”
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