LA BALADE DE JOHNNY HALLYDAY

Juin 10, 2022 | ACTUALITES, PORTRAITS, Rubriques, Thibaut Demeyer

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Fans de Johnny Hallyday, ce triple CD « La balade de Johnny » mérite amplement une place d’honneur dans votre Cdthèque. Entretien avec David Rautureau, l’auteur du roman. Thibaut Demeyer

Le 6 décembre 2022, cela fera 5 ans que Johnny Hallyday nous a quittés, laissant un grand vide dans le monde de la musique. Difficile d’imaginer une vie sans Johnny Hallyday et pourtant, c’est ainsi. Fort heureusement, il y a ses chansons, ses films et une multitude d’ouvrages qui lui rendent hommage. Parmi ceux-ci, il existe une perle qui dépasse tout ce que l’on pourrait imaginer : « La balade de Johnny ». Il s’agit d’un roman audio écrit par David Rautureau et lu par l’acteur Bruno Putzulu, également ami proche de feu Johnny Hallyday. La particularité de ce roman, c’est qu’il nous raconte une histoire de fiction, Johnny Hallyday profitant d’un concert dans l’ Ouest de la France pour venir rendre visite à un vieux copain de service militaire, tellement bien écrite que l’on a du mal à s’imaginer qu’il s’agit d’une fiction et que l’auteur n’a jamais eu l’occasion de rencontrer la star. « La balade de Johnny » c’est d’abord une belle histoire, ensuite une lecture où Bruno Putzulu « donne du sang, du corps à cette histoire » précise avec raison l’auteur du roman. Mais l’hommage ne s’arrête pas là. L’auditeur a également droit à un long entretien entre David Rautureau et Bruno Putzulu généreux en anecdotes tantôt marrantes, tantôt émouvantes et pudiques dans ses propos. Cerise sur le gâteau, l’acteur, l’ami de Johnny, nous offre quelques messages que le rockeur avait laissé sur le répondeur de Bruno Putzulu, son partenaire dans « Pourquoi pas moi ? » de Stéphane Giusti.

David Rautureau et Bruno Putzulu

Quelle est l’origine du projet ?

J’ai grandi avec Johnny. Il m’a accompagné toute mon enfance et mon adolescence. Véritablement du Palais des Sports 1976 au Lorada tour de 1995 pour utiliser des références qui parleront aux lecteurs les plus concernés. Ensuite, je suis passé à d’autres musiques, d’autres artistes. Gamin, j’ai toujours pensé que j’assisterais aux obsèques de Johnny. C’était comme un membre de la famille, vous savez. Johnny est né la même année que mon père.

Et puis, lorsque Johnny nous a quittés, je vivais à La Réunion. Impossible donc d’assister aux adieux, impossible d’être là. Quelques mois plus tard, je suis tombé sur une émission de France inter à laquelle était convié le journaliste Mathieu Alterman qui venait parler d’un livre écrit à quatre mains sur l’enfance de Johnny, sur ses fêlures. Et en l’écoutant, je me suis senti concerné. Moi qui écrivais pour divers magazines et revues locales, en Vendée puis à La Réunion, j’ai eu envie tout à coup d’écrire sur ce sujet que j’avais bien connu jusqu’à la veille des années 2000. Et pourquoi pas moi ? Cela dit, je n’avais pas envie d’écrire une énième biographie. Je voulais, au contraire, ressusciter le personnage flamboyant de mon enfance. J’écrirai donc un roman. L’idée de mêler le vrai et le faux a été présent dès le début. Au cours de l’hiver austral 2018, j’ai eu trois semaines pour moi. Pas de femme, pas d’enfant, pas de commandes d’articles. La vie me réservait une fenêtre de tir pour m’essayer. Mon écriture me valait régulièrement des retours positifs à propos des articles que j’écrivais, il fallait donc écrire pour moi maintenant. J’ai voulu me faire plaisir en attaquant une scène qui se trouve d’ailleurs ne pas être la première scène du livre (celle où les deux amis se trouvent dans la pénombre du salon et discutent après l’arrivée de Johnny). Cette séquence me permettrait de voir si ça tenait la route, si c’était plaisant et crédible d’une certaine façon. J’aime bien cette ambigüité-là, le fait de se dire que ça aurait pu exister tel que c’est raconté ici. Ensuite j’ai tiré la pelote de laine, j’ai esquissé l’ossature du récit et lorsque j’ai eu l’impression que ça se tenait et que tout était dit, j’ai fini l’histoire. Il ne me restait plus qu’à relire, relire, relire et tailler, modeler. Le décor, c’est la maison de mon enfance, celle où vivent mes parents encore aujourd’hui. Jean-Claude, c’est un peu moi, un peu mon père qui aurait pu véritablement faire son service militaire avec Johnny. C’est aussi ceux qui l’ont connu de près, ceux qui auraient pu s’y brûler les ailes. Depuis, l’île de La Réunion, La balade de Johnny était pour moi un travail sur la distance. Distance géographique bien sûr avec les lieux que je décris et distance dans le temps, avec ces souvenirs que je réveillais. C’était aussi comme un gentil coming out de ma part. Johnny, je l’avais mis à distance depuis 20 bonnes années. Je m’y replongeais parfois en douce mais ne suivais plus vraiment son actualité artistique. Écrire sur lui, c’était lui rendre hommage et rendre hommage à ses fans qui, comme moi, l’ont eu comme formidable compagnon de route. J’ai auto édité ce texte qui est donc paru en livre avec en couverture une superbe photo de Tony Frank, datant du mois et de l’année du récit. 1976, c’est l’année où le Club Dial a fait débarquer chez mes parents le double album du palais des Sports 1976, ma madeleine de Proust musicale. C’est aussi l’année des 33 ans de Johnny, âge christique. J’ai fait coïncider le récit avec un véritable concert que le chanteur a donné à Nantes fin novembre de cette année. Tout se tenait parfaitement.

couverture du roman, photo signée Tony Frank

Pourquoi avoir demandé à Bruno Putzulu de lire votre roman sachant qu’il était l’ami le plus discret de Johnny, évitant les plateaux de télé et autres interviews au décès de Johnny et ce, pour des raisons de pudeur ?

Après cette autoédition, petit à petit, j’ai eu envie de l’entendre comme on écoute une histoire radiophonique. Un jour, ça a fait tilt : Bruno Putzulu ! Il me semblait bien que ce comédien, dont j’appréciais l’œuvre et le tempérament, avait bien connu Johnny. Lui proposer la chose me semblait évident comme pour pousser un peu plus loin, peut-être, cette fameuse ambigüité, ce mélange de vrai et de fiction. Je l’ai contacté par Messenger peu avant de quitter La Réunion pour la métropole. Il a lu quelques lignes et m’a répondu : OUI ! Je vous passe mon émotion, nos échanges après cet accord. Et puis Bruno s’est fait l’ambassadeur de ce texte et l’a proposé à Claude Colombini de la maison d’édition Frémeaux & Associés, La librairie sonore pour lequel il avait lu Le père Goriot de Balzac quelques années plus tôt. Claude a accepté à condition qu’avec le récit lu par Bruno Putzulu paraisse son témoignage sur son amitié avec Johnny. C’est la seule sollicitation qu’il a acceptée sur ce sujet. J’en suis fier. Chose rare : La balade de Johnny a seulement été édité en version audio à ce jour alors que, généralement, on édite en audio des textes parus de manière classique, papier. Aujourd’hui, je me dis que c’est une œuvre commune, inextricable, à Bruno et à moi. Je me dis que ce texte était fait pour lui, écrit pour lui sans le savoir, et que c’est Johnny de là-haut qui a tiré les ficelles de cette aventure.

Bruno Putzulu

Comment avez-vous travaillé pour réussir à décrire aussi bien Johnny sans jamais l’avoir rencontré ?

Je n’ai rien travaillé du tout ! Le fait est que je me suis attaché à une époque que je connaissais bien. J’ai juste eu à vérifier quelques détails pour être certain de respecter les éléments biographiques, factuels. Pour le reste, je suis comme Jean-Claude, le personnage narrateur du récit : je suis probablement doué d’une certaine empathie et d’une faculté à comprendre certains rouages psychologiques. Je parle de ce Johnny-là, ce Johnny des années 70, 80, comme je parlerais d’un père, d’un frère, d’un ami. Cela dit, je reste toujours aussi surpris de voir que ça fonctionne auprès des gens qui l’ont aimé et de ceux qui l’ont connu de près et parfois longtemps. C’est vrai pour Bruno, mais aussi pour les photographes Tony Frank et Patrice Gaulupeau, pour Michel Mallory, son parolier historique. Tous m’ont dit avoir reconnu leur ami, leur pote. Même validation du côté de son petit-cousin, Michael, le fils de Lee Ketcham. Je tenais à ce que tout cela soit plausible. Nous sommes beaucoup à avoir rêvé d’accueillir Johnny chez soi. Je l’ai fait d’une certaine façon. Et ces personnages semblent aujourd’hui avoir existé. Une lectrice, sur Amazon je crois, m’a remercié d’avoir attendu la disparition de Johnny pour livrer ce témoignage ! Elle n’avait pas dû faire attention à mon âge (je suis né en 1972) et était persuadée que l’histoire était véridique. Je l’ai laissée dans cette croyance d’ailleurs.

A quel moment les compléments du CD (entretien avec Bruno, extraits des messages laissés par Johnny sur le répondeur de Bruno Putzulu) ont été décidés ? Est-ce une initiative de Bruno ? la vôtre ? de l’éditeur ?

C’est Bruno qui a proposé ces extraits de sa collection personnelle à Claude Colombini. Ce qui est émouvant, c’est l’enfant qui sommeille en Bruno. Que ce soit avec Noiret ou avec Johnny, on sent qu’il reste toujours aussi étonné d’avoir vécu ces moments-là, d’avoir eu ces relations-là avec ces artistes hors du commun. Au point de conserver ces pépites et bien d’autres j’imagine.

Bruno Putzulu et Claude Colombini

Avez-vous d’autres projets sur Johnny ? Ou projets sans aucun lien avec Johnny ?

Sur Johnny, à ce jour non mais j’aimerais bien que l’aventure La balade de Johnny soit adaptée au théâtre, au cinéma ou encore en bande-dessinée. Pour le reste, un récit m’a accompagné au cours de ces deux dernières années et est sur le point de paraître chez une toute jeune maison d’édition parisienne, Hello éditions. Il s’agit d’une fiction inspirée par les derniers jours de mon ami d’enfance. Je ne pensais pas écrire sur ce drame, mon ami, cadre du transport, a mis fin à ses jours en juin 2019. Lorsque son ami et ex-collègue, m’a dessiné le contexte professionnel, le cadre temporel, de notre ami commun, je me suis dit qu’il y avait déjà du romanesque dans la manière avec laquelle il a voulu en finir avec la vie. L’idée étant de passer du singulier à l’universel bien sûr. J’aimerais en effet que cette histoire de l’effondrement d’un homme que je place dans un effondrement plus global, économique, écologique, puisse être utile à tous ceux qui sont touchés par la souffrance au travail, le burnout et le suicide. Ce texte s’appelle « De colère et de peine ». Avec La balade de Johnny, ce roman m’offre deux éditions nationales en deux ans. En audio et en papier. J’en suis très fier.

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